L’Artothèque accueille Armelle de Sainte Marie cet hiver.
L’Artothèque Antonin Artaud, c’est un lieu et une collection d’art contemporain : expositions, publications, prêt, ateliers et rencontres entre artistes et jeune public, résidences d’artistes et soutien à la création… C’est pour les lycéens, et c’est pour tous.
ARTOTHEQUE ANTONIN ARTAUD
25 Chemin Notre Dame de la Consolation
13013 Marseille
04 91 12 22 50
© 2025 Artothèque Antonin Artaud
L’Artothèque accueille Armelle de Sainte Marie cet hiver.

Accompagnés par leur professeure de philosophie, les élèves de TL du lycée Joliot-Curie ont passé l’après-midi parmi les dessins de l’exposition de la collection de l’Artothèque aux Pénitents Noirs d’Aubagne.
Quelques images de cette immersion :

L’AAA sera présente au salon de la micro-édition, au FRAC PACA
Samedi 8 octobre 12h à 19h
Dimanche 9 octobre 14h à 18h
Venez découvrir l’ensemble des publications de l’Artothèque !
Le 14 mars 2016, l’Artothèque a accueilli 20 étudiants, adultes professionnels, en formation dans le cadre du D.U. d’animateur d’ateliers d’écriture à AMU (Aix-Marseille Université), dans le cadre du module Ecriture et création de LA FB.
L’objectif était de les faire réfléchir sur le geste créatif de l’écriture, en dialogue avec les démarches de création des plasticiens, de mettre en question le corps dans l’écriture, et la matière.
Ils ont visité l’exposition Super goütte et rencontré le peintre Christophe Boursault, dont les œuvres figuraient dans cette exposition collective, et qui leur a parlé de son processus de création. Il a ensuite répondu aux très nombreuses questions que la rencontre avec ses œuvres et son propos ont suscité chez les étudiants.
Puis les étudiants ont écrit, dans le cadre d’un dispositif d’atelier, des textes réflexifs en écho, ou créatifs sur une œuvre de leur choix dans l’exposition. Leurs retours oraux ont montré la fécondité de cette étape de travail.
Voici certains des travaux d’écriture menés à cette occasion.
(à partir de Matthieu Montchamp, Jardin 8)
Vent vibreur virevoltant d’antan, ta rudesse ride l’arbre. Tandis que le soleil, châle de chaleur, cajole les traits de pinceau qui saoulent ta danse, l’humus humide de la mare, reflet tatillon des bourgeons, fait vibrer les branches. Sous la touffeur liquide liquéfiée, au-delà des miasmes de la mare, reste le vert du saut de la grenouille, et les cercles du caillou tombé dans l’eau.
Impressions
Ce que j’ai en commun avec C. Boursault
Distance face à l’œuvre, utilisation du mouvement
Le corps tendu, la respiration hachée ou la longue inspiration
Le rythme rapide de l’écriture, l’espace externe réel inexistant, l’espace sur la table important
Couleurs, sensations
Trais du pinceau (rapide, tourment, etc.)
Sonorité, musique, rythme
La solitude pour écrire ? (Solitude pouvant aussi se percevoir dans un lieu extérieur, un café par exemple)
L’accompagnement musical
Un certain état d’esprit (l’énervement n’aide pas à créer)
Ce qui est différent
L’émotion qui doit toujours être ressentie
L’œuvre jamais finie, qui nécessite un travail de longue haleine et de longues plages de temps
Le sens de l’œuvre (figuration/ /abstraction)
Mélanie Andurand
Nos gestes graphiques
Rencontre de Christophe Boursault
A l’origine, il y a la surface blanche à traverser par un prolongement de nous-mêmes , pour se confronter à l’altérité et aux couleurs qu’on lui donnera.
Quelle altérité ?
Le visage de First ou celui d’Ulysse qu’on écrit et réécrit sans cesse dans un seul souffle.
Le visage facétieux du surgissement est le résultat d’un processus lent qui couve mais qui peut aboutir à une fulgurance.
On sent à peine le sursaut, l’émotion…
Quelle émotion ?
Alors le geste peut devenir généreux, ample, ou se ramasser , triturer, revenir, creuser puis hisser .
Quand une réminiscence éphémère nous échappe on ne cherche même pas à la retenir car déjà un autre sursaut nous fait trembler donc exister ailleurs.
Les trajectoires sont aléatoires, elles semblent l’être car nous aussi nous dédaignons le projet pour un extrême présent.
Claude Camilleri Salaün
Demi-tour
(d’après un tableau de Matthieu Montchamp exposé à l’Artothèque Antonin Artaud, janvier-mars 2016 – expo collective « super goütte »)
Bientôt, au bitume et au béton se substitue l’herbe haute et sombre. Passé le remblai, on aperçoit cette construction improbable, éplorée. Une odeur poivrée vous prend à la gorge comme une grippe. Dans la pénombre, le bâtiment ressemble davantage à une tour d’échiquier qu’à une Babel aussi humble soit-elle. Les degrés s’élèvent dans une lumière blafarde sur trois niveaux. Trois arcs de cercle. Incomplets. Car bien vite on se rend compte qu’il s’agit d’une demi-tour. Derrière, on dirait le châssis d’une toile de peintre. Un décor de cinéma dans un nowhere land.
Bizarrement, faire le tour de cette demi-tour prend un temps infini. Les hautes herbes freinent l’avancée mais à peine. Il y a autre chose. Plus d’odeur poivrée mais une odeur de glycine suave, écoeurante, de fleur trop en fleur. La lune jusqu’alors cachée par les nuages dévoile une porte. Une porte grillagée, rouillée dans une confusion de végétation sauvage. La demi-tour dans le dos, comme un regard insistant et pesant. On avance cependant, sans peur excessive. Avec juste en soi la nécessité d’avancer. Comme dans un rêve. Oui, mais pas tout à fait. L’odeur n’atteindrait pas le rêve. Qui dit ça ? Résister contre l’envie de vérifier. On se retourne, la demi-tour est toujours là. Plus rose que blafarde. Quelque chose glisse dans l’herbe. Cette fois la peur me prend.
Faire demi-tour. Demi-tour. Une odeur de pin. Une touffe de poils s’engouffre dans les buissons. L’odeur de résineux – mais plus chimique – est de plus en plus forte. Quelque chose frôle mes jambes. Aussitôt une sensation de brûlure atroce sur la peau. Ça part du bas. Je n’ose regarder mais quand finalement je le fais, je découvre que le bas de mon corps a disparu. Quelque chose d’une couleur indéfinie se plaque sur mes cheveux, mon visage, je dispar…
– Finalement, tu l’as effacé ?
– Oui, ça gâchait tout !
– Ah bon ? Je trouvais que ton petit bonhomme valorisait ta tour justement !
– Non, il était inutile… et puis trop bavard… j’avais envie de peindre le silence… Attention tu vas renverser la térébenthine !
Réflexions après la rencontre de Christophe Boursault à l’Artothèque
Ce qui me frappe quand Christophe Boursault parle de son travail c’est l’énergie condensée, ramassée qui explose, éclate, semble déborder du cadre comme dans « Le Souffle » au réfectoire, où les visages semblent vouloir sortir du cadre, mais sont aussi contenus aux angles. Christophe parle d’abord du lien, du groupe, du collectif d’artistes, ils exposent ensemble, les points communs sont nombreux mais les différences aussi. Un style brut, plus improvisé, pour lui et Charles Gouvernet.
Ce qui me frappe quand je m’observe en train d’écrire, c’est ma posture très près du papier, contact presque physique avec le papier. Mes brouillons très brouillons, mes ratures, mon rapport au blanc, à ce qui n’est pas encore écrit. La plongée en écriture n’est pas la même. Les écrivains ont peut-être plus le droit à l’erreur. La prise de risque est différente. Nous aussi qui écrivons, il nous faut être en phase, sans phrases, sans phrasés, mais le geste d’écrire permet à un moment de trouver un rythme de croisière.
… se faire peur, dit Christophe, il y a un moment il faut y aller sans avoir peur de gâcher le blanc de la toile/du papier… plus que chez l’écrivain, une question de feeling et de timing dans la démarche du peintre, qui y va, qui se lance. Y aller, se lancer dans le jeu, tel un enfant. « First » comme un pied de nez avec la reconnaissance, la compétition sur le marché de l’art. Jouer avec les codes aussi, oui. Premier à faire ce geste là ! Prem’s !
Les pots de peinture tapis dans l’ombre ne nous sautent pas dessus mais nous les jetons à la gueule du blanc qui fera moins le malin une fois splatché, traversé, éclaboussé, droppé de gouttes « super goütte ».
À Christophe, donc l’énergie, la couleur, les clowns, le chaos, les dents, la rapidité du geste, et puis en retrait, le retrait, la maîtrise quand même. Des traversées, des traits, équilibrent ou créent des tensions.
Mes tensions dans le corps quand j’écris, corps moins souple de la cinquantaine, dos voûté, je me rends compte parfois après des phases intenses d’écriture que je suis en apnée. Trapèze endolori, je me redresse, roule les épaules en arrière, croise les doigts, retourne paumes de mains. Se lever, faire quelques pas, bras s’étirant vers le haut. La page appelle. S’asseoir de nouveau à la table. Lire. Biffer, rager, chercher un mot. Mettre de l’ordre dans tout ce chaos de mots venus d’on ne sait où.
Les mots pour Christophe comme des accroches, une manière parfois d’entrer en peinture. « 100% », celui-ci ça a commencé comme ça. 100% pathos, dans un jeu avec le reproche qu’on fait à ce genre de tableau. Lequel ? Est-ce « Fuite des ego » ? ou « La Prise », avec le monstre aux vraies dents ? On distingue en haut du tableau, à l’envers, le début de l’inscription LE REMPLIR. Le jeu du plein et du vide. L’importance d’aérer. Comme nous qui écrivons. Le trop-plein, le trop-vide, plus encombrants qu’utiles. Donc parfois, le mot déclenche le geste du peintre. Parfois aussi, c’est l’inverse. « Quand la sauce monte, il y a des mots »
Quand ça court sur la page, quand tout paraît facile, quand on ne parvient plus à s’arrêter, tendance à croire que c’est bon, que quelque chose d’important se joue dans l’écriture. Déchanter souvent à la relecture. Pour Christophe, aussi. « Se méfier de sa musique, d’être bien dans ce que tu fais et faire de la merde pourtant ». Le jeu ne permet pas tout. Il faut prendre de la distance dans le jeu sinon on va reproduire des choses, ce qui n’est pas vraiment le but. Christophe parle souvent de jeu, mais plus curieuse cette réponse qu’il fait lorsque l’une d’entre lui demande quand il sait qu’il a fini un tableau : « C’est comme quand on est petit, qu’un jouet est fini ». L’artiste en enfant fabriquant de jouets pour enfants. L’instinct du jeu, de l’enfance jamais perdue, de l’improvisation, du faire.
Ce qui me manque.
Christine Zottele
Cette année, les élèves et les enseignants de l’école maternelle Parmentier ont travaillé à partir d’oeuvres d’Yves Daumas empruntées à l’Artothèque. Comme chaque année dans le cadre du projet « une oeuvre à l’école », les enfants ont imaginé et réalisé des sculptures, des dessins, des collages magnifiques. Une exposition au mois de juin a permis aux parents et aux amis de découvrir les travaux de toutes les classes de l’école.
L’Artothèque participe à la Saison du Dessin initiée par PAREIDOLIE, Salon International du Dessin Contemporain à Marseille.
En écho à l’exposition « Dessiner, disent-ils » aux Pénitents noirs à Aubagne qui présente une sélection d’œuvres de notre collection, nous avons demandé à plusieurs artistes de nous confier un « nouveau » dessin et de nous donner ainsi de leurs nouvelles. Dessiner a-t-il le même sens pour eux aujourd’hui ? Le dessin tient-il la même place dans leur création ? Comment ont-ils poursuivi leur chemin ? Ont-ils creusé un même sillon ou changé de direction ? C’est un début de réponse à ces questions, un aperçu de cette création, un fil tendu entre le passé et l’avenir qu’esquissent les œuvres que nous présentons à l’Artothèque.
28 artistes ont répondu à l’invitation de l’Artothèque, et présentent donc leurs nouveaux dessins :
Isa Barbier
Dominique Castell
Jean-Jacques Ceccarelli
Jean-François Coadou
Christine Crozat
Yves Dautier
Nicolas Desplats
Marie Ducaté
Anne Laure Fink
Charles Gouvernet
Michel Houssin
Christian Jaccard
Kamel Khélif
Martine Lafon
Maoual
François Mezzapelle
Carine Mina
Yazid Oulab
Didier Petit
Sylvie Pic
Serge Plagnol
Mr Post
Alain Puech
Simone Stoll
Géraldine Stringer
Jean-Jacques Surian
Pascal Verbena
Pascal Vochelet
Exposition du 8 octobre au 26 novembre 2016
Vernissage le 7 octobre 2016 à 18h00
« Dessiner disent-ils »
Une sélection de cinquante artistes dans les collections de l’Artothèque Antonin Artaud autour du dessin contemporain.
Exposition du 8 octobre au 26 novembre 2016
Vernissage le 7 octobre 2016 à 18h00
– à l’ARTOTHÈQUE ANTONIN ARTAUD
Leurs nouveaux dessins
En écho à l’exposition « Dessiner, disent-ils » aux Pénitents noirs à Aubagne qui présente une sélection d’œuvres de notre collection, nous avons demandé à plusieurs artistes de nous confier un « nouveau » dessin et de nous donner ainsi de leurs nouvelles. Dessiner a-t-il le même sens pour eux aujourd’hui ? Le dessin tient-il la même place dans leur création ? Comment ont-ils poursuivi leur chemin ? Ont-ils creusé un même sillon ou changé de direction ? C’est un début de réponse à ces questions, un aperçu de cette création, un fil tendu entre le passé et l’avenir qu’esquissent les œuvres que nous présentons à l’Artothèque.
L’association Artothèque Antonin Artaud, conduite par une équipe d’enseignants, planifie de nombreuses expositions, organise des actions pédagogiques et rédige des cahiers de l’Artothèque. Grâce aux diverses tâches que l’Artothèque effectue, le contact avec les artistes s’établit très facilement. Parmi ces artistes se trouve Franck Lesbros qui est venu mettre en lumière une de ses dernières installations à l’Artothèque. Diplômé de l’école supérieure d’art et de design à Marseille en 2001, Franck Lesbros a pour habitude, dans son travail de création, de chercher à donner à ses recherches visuelles la capacité de rebondir, de faire en sorte que l’image engendrée possède non pas un, mais plusieurs degrés de lecture. C’est donc dans cette démarche que Franck a travaillé sur ses expositions notamment « Inlight Empire » entre Marseille et New York. Les élèves du lycée Antonin Artaud ont eu le privilège d’assister à cette exposition. Parmi ces classes, la C.P.E.S, avec la présence de M.Rosmini professeur de philosophie, a pu, après l’exposition, avoir l’opportunité d’interviewer l’auteur de cette dernière.
Élèves : A quoi sert le sable noir que vous avez mis ?
Franck Lesbros : Devant l’écran ?
Élèves : Oui, autour de la mante religieuse, partout.
Franck Lesbros : Le sable noir est présent concrètement dans la salle, mais aussi dans l’image vidéo. On retrouve cette matière dans l’espace, le sable entoure la mante religieuse autour du socle, et surtout devant l’écran, elle sert ainsi à faire une passerelle entre la vidéo et la réalité de l’exposition, cela permet également de reconfigurer l’espace. En fait, mon idée était de mettre du sable noir partout, sur toute la surface de la pièce, cela aurait créé un contact physique ; mais c’était difficilement réalisable à cause du nettoyage de la salle, tout le monde aurait transporté du noir dans les couloirs etc…
Élèves : D’où vous est venue cette idée de construire cette fontaine qui a servi au tournage de la vidéo ?
Franck Lesbros : En fait, j’ai commencé la vidéo par les couloirs qu’on voit, mais en filmant les vers de terre et les insectes bizarres, je me suis dis que c’était limite nécro maniaque, un peu sombre. J’étais alors convaincu qu’il fallait certainement éclairer le tout et j’ai donc eu l’idée de construire cette fontaine qui a servi à faire la vidéo sur deux étages, deux décors. Il y a tout d’abord le décor figurant des départs de couloirs, puis la caméra descend, on y découvre alors l’étang un peu coloré. Sur la fontaine, le plateau supérieur présente des sas qui rappellent ceux des couloirs, une manière de prolonger le mystère de l’origine de ces couloirs, une possible explication. Je n’avais pas l’intention de filmer le plan inférieur, seulement de m’en servir en tant que réserve d’eau pour réalimenter le système motorisé pour la fontaine. Au moment de la création de l’étang, je lui ai apporté certaines modifications de manière à provoquer une cassure entre les deux univers. J’ai donc déposé sur les contours du bassin un peu de mousse, quelques cailloux roses au fond et des plantes afin de créer en quelque sorte un bassin d’Eden, se rapprochant d’une atmosphère paradisiaque. Au moment où la caméra bascule vers cet étang, on ressent un sentiment d’apaisement comme si l’on voulait y rester, accompagné par le son de l’eau. J’ai souhaité garder le son de l’eau pour créer une résonnance avec celui de la fontaine dans l’espace, de temps à autre il est possible d’entendre le son de la vidéo ainsi que celui des gouttes d’eau simultanément. En apercevant le bassin, celui-ci paraît plaisant alors on a envie de croire à cette réalité pourtant fabriquée. En art se pose constamment la question de la représentation, même un tableau paraissant totalement réaliste n’est qu’une image de la réalité. Pour cette raison, je trouvais intéressant de montrer une image en mouvement, censée représenter un monde, qui se trouve n’être dans la réalité qu’une auge de maçon avec quelques plantes et quelques objets basiques.
Élèves : Combien de temps la réalisation de la fontaine et de l’ensemble de vos travaux vous a-t-il pris ?
Franck Lesbros : L’ensemble a été plutôt long. Les couloirs ont été réalisés à New York puis à Marseille. Quant à la fontaine, sa réalisation n’a eu lieu qu’à Marseille. Le temps de confection de la fontaine a été moins important que celui des couloirs. C’est pour cette raison que je l’ai conservée telle quelle sans prêter attention à son aspect esthétique, je n’ai aucune envie de créer des objets décoratifs, design et vendeurs. Ce choix implique des difficultés, car cela a des effets sur la vente de mes œuvres. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus. Mon souhait est de renvoyer une image qui provoque des questionnements tout en délivrant une expérience visuelle et sonore. C’est pour cette raison que j’ai construit la fontaine rapidement. En revanche, des calculs ont été nécessaires pour les gouttes d’eau car mon installation présentait un problème dans l’évacuation de l’eau. En effet, l’eau coulait trop rapidement et le bassin se remplissait plus vite que l’évacuation de ce dernier. On est sans cesse en train de résoudre des problèmes. Dès que je commence à travailler, les constructions se font très rapidement pour avoir une idée du résultat, je m’attarde peu sur la finition. D’une manière générale, je réadapte, je modifie en fonction du cadre, je regarde les éléments manquants, je rajoute, j’enlève comme s’il s’agissait d’un gâteau… C’est en quelque sorte de la cuisine.
Élèves : Avez- vous une idée prédéfinie de ce que vous voulez produire ? Vous laissez vous aller à l’expérimentation ?
Franck Lesbros : Je me laisse aller complètement à l’expérimentation, j’aime bien être surpris par le résultat plutôt que de tout prévoir a l’avance. Les erreurs que je fais m’aident à me rapprocher de la vie de tous les jours et à créer l’inattendu.
Élèves : Comment définiriez-vous votre travail ?
Franck Lesbros : Je crée des « films expérimentaux », en passant par de la construction et de la peinture. Je fais du grand dans du petit, comme dans les ateliers à New York où j’ai vécu. Mon prochain projet est un opéra avec des mantes religieuses, un mâle et une femelle, en espérant qu’elle mange le mâle. Mais il est difficile de travailler avec des insectes. J’aime bien la mante religieuse : son mode de vie, sa forme et le rapport entre le masculin et le féminin. J’aimerais aussi faire un long métrage, en jouant avec des effets de lumière, comme une peinture.
Élèves : Quels sont les artistes qui vous influencent ?
Franck Lesbros : Je suis influencé par le monde du cinéma, par Stanley Kubrick, Tarkovski… L’art classique m’influence également, en particulier Malevitch qui est passé du figuratif à l’abstraction avant de retourner vers le narratif. Tant de personnes comptent, Robert Filiou, Gregory Crewdson, les surréalistes…
Élèves : Comment se passe le travail avec les insectes ?
Franck Lesbros : Ils font ce qu’ils veulent, ils se figent quand on les filme, j’ai donc dû utiliser de l’air comprimé pour les bouger. Ils sont imprévisibles et c’est ce qui rend la chose amusante. C’est improvisé comme le reste et je m’adapte. Les insectes sont comme des acteurs, dans Inlight Empire, ils peuvent aussi faire penser aux rats qui hantent les villes, aux insectes qui peuvent résister à une apocalypse nucléaire. Tout ça contribue à créer une inquiétude.
Élèves : Combien d’heures a-t-il fallu pour faire le film ? Travaillez vous seul ?
Franck Lesbros : Beaucoup d’heures en fait, sept couloirs, une heure par couloir, plus le plateau… Ce qui est surtout long c’est le cadrage. Je travaille volontairement seul, par souci d’organisation, quelquefois avec des musiciens, ou je demande de l’aide à des amis.
Élèves : Comment se passe l’échange avec les musiciens ?
Franck Lesbros : J’essaie d’aiguiller à peu près le musicien dans ce que je souhaite, tout en lui laissant une certaine liberté. Le fait de lui laisser « carte blanche » va créer un effet de surprise. Il crée beaucoup de sons mais finalement nous sélectionnons ceux qui correspondent le plus au thème.
Élèves : Seriez-vous intéressé par le fait de travailler en tant qu’architecte ?
Franck Lesbros : Oui, cela pourrait m’intéresser car mes propres créations évoquent des architectures. Même si mes œuvres sont plus petites, il y a quand même un vrai travail de perspective. Je m’intéresse plutôt à l’architecture moderne, de MiesVan der Rohe à Ando ou d’autres.
Élèves : Pourquoi ce choix de plans très fermés et sombres ?
Franck Lesbros : Il y a plusieurs raisons à cela. Au départ de la vidéo Inlight Empire, je voulais me confronter au monde souterrain. Il y a aussi le manque de moyen qui me contraint à travailler de la sorte. J’ai essayé dans ce travail de m’inspirer des couloirs d’un lycée, par exemple après une catastrophe, une révolution. J’aime les ruines, l’aspect délabré des choses. C’est comme un naufrage dans une architecture.
Élèves : Pourquoi travailler avec le lycée Artaud ? Pourquoi exposer vos œuvres ici ?
Franck Lesbros : L’Association Artothèque est venue me voir pour me proposer de faire une exposition au sein de l’établissement, demande que j’ai acceptée volontiers. Cela permet de changer d’environnement, de rencontrer des élèves et d’échanger avec ceux-ci, de les faire sortir du cadre purement scolaire, ce qui permet d’avoir d’autres commentaires. Les conditions d’exposition sont bonnes, cela permet de sortir du contexte habituel de la « galerie blanche ». Et puis les membres de l’Artothèque ont vraiment été extra.
Élèves : Que pensez-vous de l’impact de la culture au sein de la société actuelle ?
Franck Lesbros : La culture est de plus en plus accessible. Mais en même temps ce qui domine c’est un courant main stream surtout orienté par la recherche du profit immédiat. Il me plaît de croire que culture veut dire curiosité, c’est-à-dire creuser les choses, se fabriquer ses propres choix, ses orientations, et non pas celle que l’on soumet au grand public. Je me répète peut-être, mais la diversité culturelle est telle aujourd’hui que je trouve dommage de ne pas l’explorer.
Élèves Quel enseignements tirez-vous du fait de vivre en partie en France, et en partie à New-York ?
Franck Lesbros : La société américaine peut se distinguer en deux groupes : les riches et les pauvres, la classe moyenne telle que nous la connaissons en France existe difficilement, une tendance qui tend à se généraliser dans bien d’autres pays capitalistes. Les riches ont plus de facilités à accéder à l’art contemporain du fait de leur localisation. En effet, les villes américaines sont faites de sorte à ce que les « pauvres » soient logés au plus loin du centre, ce qui crée une inégalité d’accès à la culture. Les Américains en général sont très curieux et bon enfant, un déplacement pour aller voir une exposition n’est pas perçu comme contraignant, bien au contraire. Ils ont aussi cette facilité d’acheter, ils sont consommateurs, ils aiment avoir ce qui les a fait vibrer. Ils ont aussi une audace, une prise de risque, nettement supérieure à celle des Français. Les Français eux sont moins curieux, et beaucoup plus paresseux dans leurs déplacements, mais ils ont une finesse et une perspicacité propre à l’Europe.
Élèves : Lorsque vous étiez étudiant, avez-vous remarqué ce fameux « mouvement » de culture populaire ?
Franck Lesbros : En école d’art, l’enseignant vous transmet ce qui est « proche de lui », il a donc une certaine influence. Après avoir fini les Beaux-Arts, j’ai eu envie de repartir à zéro, j’ai alors écrit durant quelques années. Puis un jour, une galerie d’art m’a proposé une participation lors d’une exposition. Cela a réveillé cet intérêt pour le visuel, mais de manière différente. En effet, faire peau neuve était mon objectif, repartir à zéro, le tout avec plus de recul, et puis l’envie de prendre du plaisir.
Élèves : Vous venez de dire qu’avant d’avoir repris goût à l’art vous vous étiez plutôt réfugié dans le domaine de l’écriture en écrivant des nouvelles. Est-ce que cette pratique a eu une influence sur vos travaux, sur l’art, sur votre raisonnement, sur le point de vue que vous avez pu adopter ?
Franck Lesbros : Tout à fait. Cela m’a servi sur plusieurs plans. Ce que je trouve génial avec l’écriture c’est que la difficulté n’est pas dans le matériel, la difficulté est dans le concept, dans ce que tu vas écrire, ce que tu vas esquisser en terme de phrases, et pour ça tu as besoin d’un papier, d’un crayon ou d’un clavier d’ordinateur et c’est tout. Tu n’es pas obligé de le faire dans un endroit particulier, tu peux très bien voyager. Je trouvais ça génial, et quand je suis revenu au travail plastique, j’ai gardé ce truc là de faire des choses avec peu de moyens, des choses très basiques comme le papier, des matières ordinaires, le carton, un peu de colle. En écriture, tu commences une phrase et finalement ça t’amène vers d’autres. Tu vas rayer ça, tu vas garder ça et finalement quand tu travailles sur un matériau plastique, tu fais exactement pareil. J’essaie de construire des phrases cohérentes en enlevant des choses, ça peut être un mot, un verbe, je rajoute un complément, ça a été important pour moi et puis ces écrivains que j’aime bien, tout ce qui est théâtre de l’absurde, comme Becket ou Kafka. Ce dernier m’a beaucoup influencé, peut-être qu’il apprécierait Inlight Empire… Ne serait-ce qu’à cause des insectes !
Mais c’est une bonne question, c’est cela qui est intéressant, souvent nous faisons des choses, on ne voit pas où ça va, où tout ça nous mène, et puis avec le temps vous vous rendez compte que cette direction vous a appris des choses, vous a éclairé, orienté.
Élèves : Cela rejoint ce que tu disais tout à l’heure, que faire de l’art, c’est proche de ce qu’on vit en existant.
Franck Lesbros : Oui c’est proche, et puis c’est aussi sortir un peu du quotidien, c’est rajouter quelque chose qui n’existe pas à la base et ça c’est un cadeau. Robert Filiou disait cette phrase : L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art.
Dans le cadre du Printemps de l’Art Contemporain, l’Artothèque :