- Article de La Provence, 19 octobre 2017
Il aurait dû simplement se réjouir et pourtant Gérard Fontès confiait déjà son inquiétude lorsque, le 6octobre dernier, la Direction régionale des affaires cultuelles (Drac) annonçait qu’elle revenait sur sa décision et débloquait une subvention de 2500¤ pour soutenir l’artothèque [du lycée] Antonin-Artaud (13e) qu’il préside.
La pétition des artistes qui avait recueilli plus de 2100 signatures, lamobilisation des députées LREM Cathy Racon-Bouzon, membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée et Alexandre Louis, élue dans la circonscription, mais aussi du député insoumis Jean-Luc Mélenchon avaient semble-t-il pointé l’illogisme de cette situation qui privait la structure associative d’une subvention alors qu’elle répond parfaitement à la politique du gouvernement, soucieuse de valoriser les arts et la culture en milieu scolaire.
Gérard Fontès était inquiet et il avait raison: sans nouvelles de la subvention de la Ville, son équipe d’enseignants (en poste ou à la retraite) bénévoles a sollicité hier la direction municipale de l’action culturelle qui, à l’issue du rendez-vous, leur a confirmé que la subvention habituelle de 9000 euros (la moitié du budget de l’artothèque) ne serait pas versée cette année.
« C’est un coup, souffle l’ancien prof de philo. On espérait que le rétablissement de la subvention par la Drac influerait positivement sur la décision de la Ville, mais il n’en est rien, on nous a expliqué qu’il n’y avait plus d’argent et qu’il valait mieux se tourner vers la Région et la Drac. » Sans l’aide de la Ville, l’artothèque ne pourra pas assurer sa programmation pour 2018. « Ce que nous aimerions, c’est que tout le monde se mette autour de la table et qu’on nous dise si notre projet mérite toujours d’être soutenu et si oui, que personne ne se renvoie la balle, afin que chaque collectivité puisse apporter sa petite pierre à l’édifice. » L’artothèque tourne avec un budget annuel de 17000 à 19000 euros, jusqu’à présent notamment soutenu par la Ville (9000¤), la Région (4000 ¤) et la Drac (2500¤).
Laurence Mildonian
- Ventilo : un article de Céline Ghisleri le 18/10/2017
Le cœur ou la raison
L’annonce la semaine dernière du maintien des subventions allouées par la DRAC à l’Artothèque Antonin Artaud a rassuré les 2200 signataires de la pétition lancée en septembre dernier pour maintenir les subsides de l’association. Mais par les temps qui courent, les bénévoles qui œuvrent au fonctionnement de l’Artothèque se demandent plus que jamais de quoi demain sera fait…
« La pratique et la transmission artistiques sont essentielles à la constitution de l’être. Un enfant qui a eu l’occasion de rencontrer un artiste, d’aller à un concert, n’a pas la même vision du monde. Il sait qu’il y a du possible pour lui et que tout ce patrimoine et ces pratiques artistiques qu’il peut découvrir, et pratiquer, sont mis à sa disposition. Car c’est lui qui construit le monde de demain », déclarait Françoise Nyssen dans Le Figaro le 4 septembre dernier.
On considère aujourd’hui qu’au moins 50 % des Français sont totalement exclus de la culture (la réalité tournerait plutôt autour de 75 %). Si tous les acteurs s’accordent à déplorer cette fracture culturelle, les différentes tentatives pour y remédier semblent échouer au regard du fossé qui se creuse un peu plus chaque jour. La grande bataille pour reconquérir ces « exclus de la culture » se poursuit donc et se focalise sur les ouvriers, les employés et les jeunes identifiés comme les plus éloignés de l’offre culturelle. En début de mandat, Françoise Nyssen a rappelé vouloir toucher 100 % des élèves par la culture et par l’art et, avec Jean-Michel Blanquer, faire du PEAC (Parcours d’éducation artistique et culturelle) une priorité.
Une fois ce constat posé, on se dit que la présence, depuis bientôt trente ans, d’une galerie d’art contemporain et d’artistes sur place pendant les montages d’exposition, des vernissages, des présentations de leur travail aux élèves et des ateliers de pratique, au sein même d’un lycée situé dans les zones classées en politique de la ville, remplit tous les critères d’éligibilité aux subventions proposées par la Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC), mais également par la ville de Marseille, la Région et le Département. En termes de proximité, personne ne fait mieux ; seulement voilà, les choses ne semblent pas si simples… L’Artothèque Antonin Artaud pourrait bien être victime de ce qui fait sa spécificité et sa richesse. Son implantation au sein même d’un établissement scolaire, seul exemple en France, relevant de l’Éducation Nationale, brouille les pistes et complique la vie des subventionneurs. À qui revient donc la lourde tâche de subvenir au fonctionnement de cette association loi 1901, créée en 1987 dans l’enthousiasme général de la part des collectivités territoriales. L’Artothèque Antonin Artaud a vu défiler sur les cimaises du réfectoire et de la salle d’exposition plus de 200 artistes du territoire et produit un petit livret que nous gardons tous précieusement dans nos bibliothèques, entre les monographies des Presses du Réel et les catalogues de la Biennale de Lyon. La collection est constituée de plus de 600 œuvres provenant d’acquisitions ou de dons d’artistes. La qualité des expositions est reconnue par tous les professionnels, la programmation plébiscitée par les artistes. Bref, le professionnalisme des expositions n’est plus à démontrer ; l’Artothèque tient largement la dragée haute aux galeries associatives de Marseille. D’ailleurs, elle appartient au réseau d’art contemporain Marseille Expos, dont l’entrée ne se fait que par cooptation par ses pairs. C’est sans l’ombre d’un doute un lieu d’art contemporain. Pourtant, le ministère de la Culture, via la DRAC, et le ministère de l’Éducation Nationale, via le rectorat d’Aix-Marseille, se renvoient la balle et laissent le devenir des quelque 17 000 euros de fonctionnement annuel de l’association dans l’incertitude la plus consternante ! Car, on le sait bien dans ces cas-là, si l’un des partenaires se désengage, les autres lui emboîtent le pas.
Le cœur a ses raisons que la raison ignore…
Aussi, même si les 2500 € alloués par la DRAC sont maintenus pour 2017, les bénévoles de l’Artothèque s’inquiètent de ce qu’il adviendra l’année prochaine et les suivantes… Les raisons évoquées sont nombreuses et sans doute légitimes. Si les statuts ne sont plus conformes aux lignes budgétaires, si le devenir de la collection est incertaine en cas de disparition de l’Artothèque, si les bénévoles ne sont pas des professionnels de la profession puisque leur métier est aussi d’enseigner la philosophie, les mathématiques, le français ou l’histoire ; en résumé, si désormais l’Artothèque n’entrait plus dans les cases qui donnent accès aux subventions publiques selon les (nouvelles) lignes draconiennes des dossiers de subventions et les compétences spécifiques relevant de chacun des financeurs, alors il va falloir accompagner l’Artothèque dans une reformulation de son fonctionnement et l’aider à correspondre à nouveau aux critères demandés. Car il est certain que dans le contexte social et politique actuel, nous ne pouvons pas nous passer d’un outil comme celui de l’Artothèque pour s’adresser aux jeunes et les ouvrir à la culture, à l’altérité, à la tolérance et à tous les domaines qu’aborde l’art actuel. L’art permet de reposer les questions sociétales dans lesquelles les jeunes sont immergés. Tous admettront donc que les sommes dont on parle, 17 000 euros de budget annuel, sont dérisoires par rapport aux objectifs et aux résultats obtenus. Et personne ne comprendrait les raisons, aussi fondées administrativement soient-elles, qui entraîneraient la disparition d’un outil d’éducation et d’accès à la culture aussi efficace.
Il reste à suivre l’exemple de la ministre elle-même et travailler main dans la main. « Mon rapprochement avec le ministère de l’Éducation Nationale est fondamental et va durer dans le temps. La culture n’est pas un supplément d’âme, elle est constitutive des apprentissages. » Françoise Nyssen
Si la polémique a du bon, autant profiter de ce coup de projecteur sur l’Artothèque pour en assurer la pérennité, lui donner encore plus de moyens et offrir à plus d’artistes encore la possibilité rémunérée d’accompagner les jeunes dans leur ouverture à l’art. De quoi embaucher une personne pour coordonner toutes ces actions et les nouvelles, celles qu’il serait possible de faire avec un peu plus d’argent. Et pourquoi pas lancer une enquête auprès des jeunes qui ont bénéficié de cette rencontre avec l’art durant leur parcours scolaire ? Car combien de lycéens ont rencontré des œuvres, discuté avec des artistes depuis trente ans entre les murs du Lycée Antonin Artaud ? Comme le font en ce moment ceux qui découvrent les dessins de Jean Jacques Ceccarelli, disparu cette année, à qui l’Artothèque est la première à rendre hommage…
En ce début d’année scolaire, il y a peut-être une lycéenne dont les parents ne vont jamais au musée, au théâtre ou même au cinéma, qui ne possèdent aucun ouvrage d’art à la maison, ni aucun livre sauf ceux de France Loisir. Elle fera, jour après jour, l’expérience esthétique d’une rencontre avec une œuvre d’art au sein de son établissement scolaire par le biais d’une artothèque et d’un professeur d’art plastique qui, chaque semaine, accroche une nouvelle œuvre originale dans la classe. Elle s’y ouvrira, l’utilisera comme vecteur d’émancipation sociale et plus tard, témoignera peut-être chaque quinzaine dans un magazine culturel gratuit de comment cette rencontre a changé son rapport au monde et comment l’école avait su jouer son rôle d’éducateur artistique en son temps…
Il y a des sujets qui nous tiennent plus à cœur que d’autres…
Céline Ghisleri
- La Provence : un article de Laurence Mildonian le 7/10/17 :
Il arrive que le bon sens prenne le pas sur l’implacable logique administrative. Et que la mobilisation soit payante : hier, alors que la pétition lancée fin août par des artistes pour sauver l’artothèque du lycée Antonin-Artaud (13e) dépassait les 2 100 signatures, ses membres ont appris que le lieu bénéficierait d’une subvention de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) pour l’année 2017. Inespéré il y a encore quelques semaines.
Car l’artothèque, forte d’une collection de 600 oeuvres, avait vu l’aide étatique disparaître depuis deux ans, mettant en péril le travail de l’association, composée de profs bénévoles, en fonction ou à la retraite. « Nous n’avons pas pour vocation de pérenniser la subvention de fonctionnement d’une association d’enseignants », avait expliqué dans nos colonnes Marc Ceccaldi, le directeur régional des affaires culturelles (notre édition du 25 septembre). Le représentant du ministère de la Culture précisait que l’artothèque devait « se rapprocher d’un partenaire culturel professionnel, comme le Frac, auquel le ministère verse des aides », pour continuer à fonctionner avec le soutien indirect de la Drac.
« Il fallait montrer que l’État ne se désengage pas »
Une décision incompréhensible pour les enseignants, artistes et élèves qui bénéficient depuis trente ans de cette structure installée dans le lycée. D’autant que l’objectif de l’artothèque colle parfaitement avec ceux du ministère de la Culture qui vient de signer une convention cadre d’éducation artistique et culturelle avec l’Éducation nationale et la Région Paca.
Et c’est cet argument qu’a avancé la députée LREM Cathy Racon-Bouzon, membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée auprès du directeur de la Drac : « J’ai été interpellée par l’artothèque et après m’être entretenue avec Marc Ceccaldi, nous avons convenu qu’on ne pouvait pas se permettre une rupture d’aide de l’État sur ce lieu 100 % en phase avec le souhait du gouvernement. Symboliquement, il fallait montrer qu’on ne se désengage pas. » D’autant que le risque était grand de voir la Ville (9 000 € d’aide) et la Région (4 000 €) suivre le retrait de l’État.
Il a donc été décidé que l’artothèque, dont le budget annuel s’élève de 17 000 à 19 000 €, bénéficierait de 2 500 € de subventions de la Drac pour 2017 (elle s’élevait à 5 000 € jusqu’en 2012). Charge à la structure de s’associer avec un organisme culturel pour pérenniser cette aide à l’avenir. « Une réunion s’est tenue cette semaine à ce sujet », précise la députée qui s’est rendue hier après-midi à l’artothèque pour annoncer la bonne nouvelle avec Alexandra Louis, députée LREM de la circonscription.
« La mobilisation a porté ses fruits, se réjouit le président de l’artothèque Gérard Fontès qui, en bon ex-prof de philo, nuance son enthousiasme. On est contents mais on sait qu’une hirondelle ne fait pas le printemps et tout n’est pas encore réglé pour l’avenir… » Outre le prêt d’oeuvres aux élèves, l’artothèque organise quatre expositions d’artistes contemporains par an et finance la publication de catalogue et l’achat de tableaux.
- Marsactu : une brève de Benoit Gilles mise en ligne le 6 octobre
« Esquisse de solution pour l’artothèque du lycée Antonin Artaud
Deux députées en marche vers Château-Gombert ont fini par débloquer le dossier encalminé de l’Artothèque Antonin Artaud. Comme Marsactu le racontait, cette association qui met de l’art au cœur d’un lycée depuis 30 ans s’était vu couper sa subvention de 2500 euros de la part de la Direction régionale de l’action culturelle. Une pétition lancée par des artistes marseillais réclamait son rétablissement.
Les députées LaREM, Alexandra Louis et Cathy Racon-Bouzon se sont rendues ce vendredi à l’artothèque avec une bonne nouvelle : « Nous avons obtenu de la DRAC le maintien de sa subvention à l’Artothèque pour l’année 2017 ». Le président de l’association, Gérard Fontès se réjouit de ce retour mais reste prudent. En effet, si la subvention est maintenue à son niveau de 2015, elle correspond à la moitié de ce que la structure percevait auparavant.
La poursuite de cette subvention en 2018 et assortie de conditions. Dans le droit file de la position de l’antenne du ministère de la culture en région, les députées écrivent : « Un travail de clarification sera mené sur le statut de cette association pour lui assurer un financement pérenne via un partenaire culturel professionnel ». « Nous ne savons pas ce que cela veut dire, cela mérite donc discussion », précise le prof de philo à la retraite qui poursuit : « Nous n’avons pas de nouvelle de la subvention de la Ville, ce qui nous inquiète fort car il s’agit de notre principal financeur ». «
La presse locale rendait compte des difficultés de l’Artothèque :
- Marsactu : un article de Benoit Gilles mis en ligne le 18 septembre
- FR3 : un sujet dans le JT du 25 septembre 2017 à19h15
- La Provence : un article de Laurence Mildonian le 25 septembre
Communiqué de l’AAA pour inviter les journalistes à une conférence de presse mardi 3 octobre à 17h30 :
« L’Artothèque Antonin Artaud, lieu dédié à l’art contemporain et aux rencontres entre jeune public et artistes, est installée depuis trente ans au sein du lycée Antonin Artaud à Marseille. La DRAC refuse de maintenir sa subvention, mettant en danger le travail reconnu de l’Artothèque (près de 200 artistes, plus de 70 expos, une collection de plus de 600 oeuvres). Des artistes ont lancé à la fin de l’été une pétition « Que vive l’Artothèque Antonin Artaud » adressée au directeur régional des affaires culturelles, signée à ce jour par 1777 personnes.
Au moment où la ministre de la culture, Françoise Nyssen, assure travailler « main dans la main avec le ministre de l’éducation nationale » et que « le budget de la culture sera conservé », que le gouvernement se fixe comme objectif que « 100/100 des enfants doivent avoir accès à l’éducation artistique et culturelle contre moins de la moitié aujourd’hui », il serait incompréhensible et inacceptable que le directeur régional de l’action culturelle ne revienne pas sur sa décision de ne pas soutenir l’action de l’Artothèque, implanté dans les quartiers nord de Marseille.
L’équipe de l’Artothèque et des artistes signataires vous invitent à une conférence de presse le mardi 3 octobre à partir de 17h30 à l’Artothèque, à l’occasion du vernissage de la double exposition de rentrée (« en hommage à Jean-Jacques Ceccarelli » / « Quoi de neuf à l’Artothèque ? »).
Nous espérons vous rencontrer nombreux afin de vous présenter les difficultés actuelles de l’Artothèque, le projet mené depuis des décennies, et de répondre à vos questions. »
Contact : Gérard Fontès, président de l’AAA : 06 45 68 15 64
L’article de Marsactu :
Le ministère de la culture coupe sa subvention, l’artothèque d’Artaud veut sauver sa peau
Pour la deuxième année, l’artothèque du lycée Antonin-Artaud, unique en France, se voit privée d’une subvention de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Une pétition réclame son retour alors de la ministre de la culture Françoise Nyssen veut faire de l’éducation artistique une priorité.
100 % des enfants touchés par les trois dimensions que sont la pratique artistique, la fréquentation des œuvres et la rencontre avec les artistes, l’acquisition de connaissances dans le domaine des arts et de la culture. (…) Le goût de la pratique artistique passe également par la rencontre avec les œuvres et les artistes. C’est pourquoi, les résidences d’artistes seront développées, comme les dispositifs de découverte des lieux culturels et des œuvres in situ.
Exactement la mission que remplit l’artothèque du lycée Antonin-Artaud (13e) depuis 30 ans : faire entrer l’art et les artistes dans le lycée, y constituer une collection ouverte à tous. Or, pour la seconde année consécutive, la direction régionale des affaires culturelles (DRAC), antenne locale du ministère de Françoise Nyssen, n’a pas renouvelé son soutien financier à la modeste et généreuse institution marseillaise. Dans le même temps, sur internet, une pétition enfle jour après jour de nouveaux noms, jusqu’à atteindre 1400 quelques jours après son lancement. Lancée par un groupe d’artistes du vivier marseillais, elle a pour but de sauver l’artothèque du lycée Antonin-Artaud.
Pourtant le lieu est unique. « Il s’agit de la seule artothèque installée dans un lycée en France. Depuis 30 ans, nous réalisons trois expositions par an d’artistes locaux avec la publication d’un cahier monographique et l’achat d’une œuvre, résume Gérard Fontès, président de la structure et ancien prof de philo du lycée. Nous avons donc une collection de 600 œuvres d’art, pièces uniques et multiples, qui sortent régulièrement, prêtées à des élèves, des professeurs ou d’autres structures. »
En mots choisis, le directeur de la DRAC, Marc Ceccaldi, s’explique dans une lettre du 4 mai : « les cadrages budgétaires ainsi que les priorités retenues par mon service ne permettent pas de répondre favorablement à votre demande cette année » et ce malgré « l’intérêt de vos projets ». La subvention en question s’élève à la hauteur vertigineuse de 2500 euros.
Une paille pour le budget de la culture en région. Une part non négligeable des 17 à 18 000 euros de budget annuel de l’artothèque trentenaire. « Longtemps, la subvention de la DRAC était de 5 000 euros, explique Denis Chapal, autre ancien retraité et administrateur qui suit de près les questions financières. Il y a deux ans, suite à un cafouillage de notre part dans la demande la subvention a été divisée par deux. En 2016, elle a été coupée ». « En 2016, la DRAC avait justifié son abandon par le fait qu’elle souhaitait réorienter ses crédits vers le travail pédagogique en direction des élèves, explique Gérard Fontès. C’est déjà ce que nous faisons. Nous avons donc réorienté notre demande en mettant en avant ce travail. Sans résultat. Si la DRAC ne revient pas sur sa décision, nous devrons réduire nos activités.«
Malaise à la DRAC
Une position confirmée par la direction des affaires culturelles qui indique bien que la volonté était de réorienter les financements vers de l’éducation artistique et culturelle. « Cela semble complexe de faire financer de l’achat d’œuvres avec des crédits de fonctionnement, y indique-t-on. Les fonds de la DRAC ne peuvent pas servir à cela. Nous avons donc souhaité que l’association réoriente ses actions vers l’éducation artistique et culturelle et la pratique artistique. » Mais cela n’a pas suffi,oncède-t-on, un peu gêné, à la DRAC. « Nous sommes sur une démarche de professionnalisation de la médiation culturelle et non pas pour le bénévolat des professeurs. En revanche, nous pouvons financer ce type d’action via les artistes que nous aidons. » En clair, la pétition tombe mal alors que l’artothèque s’inscrit pleinement dans les orientations récentes du ministère. « La porte du directeur des affaires culturelles reste ouverte pour plus d’explications », ajoute-t-on sans promettre que le feu du financement passe au vert. Après tout, l’orientation présentée en conseil des ministres est également portée par l’Éducation nationale qui accueille l’artothèque en ses murs. En attendant la fin du ping-pong, l’artothèque d’Artaud continue sa route sur un sentier financier qui s’amenuise.
Le chemin qui y mène est jalonné d’art. Gros lycée d’enseignement général adossé au massif de l’Étoile, l’établissement accueille l’artothèque dans une ancienne salle de classe attenante au centre de documentation. Là, deux sculptures, de fragiles roses de papier et un buste de Marie Ducaté, y signalent la présence du lieu. Dans le réfectoire situé non loin, une immense photo trône. En face, un mur entier sert de cimaises.
Entre les deux, l’artothèque proprement dite présente des murs blancs au pied desquels des tableaux, photos, dessins et peintures attendent l’accrochage. On y trouve les plus récentes acquisitions ainsi que des images de Jean-Jacques Ceccarelli, artiste marseillais récemment disparu. Le président Gérard Fontès y reçoit avec deux enseignantes du lycée qui participent aux activités de l’artothèque en dehors des cours.
De l’art en cours de maths
Camille Bieche est professeure de mathématiques et Marion Chopinet enseigne l’histoire-géo et le théâtre. Car c’est là une des particularités de l’artothèque et du lycée qui l’accueille, il n’y a pas d’enseignements d’arts plastiques, le lycée Diderot tout proche en a fait sa spécialité. Ce sont donc des enseignants de matières classiques qui intègrent l’art à leurs cours. « Cela dépend des enseignants, distingue Camille Bièche. Certaines intègrent le travail sur les œuvres à un projet pédagogique dans leur discipline, d’autre pas. C’est d’ailleurs mon cas. Quand nous travaillons sur l’art, c’est sans rapport avec le programme de maths. » Sa collègue a plus de facilité à utiliser les œuvres « pour un travail sur la scénographie par exemple ».
Lors de la venue de Suzanne Hetzel, cinq classes ont directement participé aux choix de œuvres composant son exposition autour du paysage. « Allemande, elle a aussi fait une visite commentée de son exposition en anglais, dans le cadre d’un cours de langue », sourit Marion Chopinet. Les passerelles sont partout et sans cesse empruntées aux dires des bénévoles qui font vivre le lieu. Le modeste placard qui sert de réserve est sans cesse en mouvement pour des prêts ou des expositions. On retrouve des tableaux dans les couloirs, dans les bureaux de l’administration, un peu partout disséminés.
Un point d’ancrage pour les artistes
Le lieu est aussi important pour les artistes eux-mêmes et le riche vivier marseillais qui survit parfois dans une grande précarité. C’est d’ailleurs ce qui explique la vitesse de propagation de la pétition. « Le 7 juillet, Gérard Fontès m’a alerté sur le refus de la DRAC. J’ai aussitôt écrit un texte en réponse, explique Didier Petit, depuis son atelier du Panier où ses dentelles de papier découpé se jouent de la lumière. Nous avons ensuite décidé de laisser passer l’été. Ensuite, nous nous sommes réunis notamment avec Marie Ducaté, Suzanne Hetzel pour faire de ce texte un message collectif et lancé la pétition. »
Au-delà du travail de médiation et des liens que crée le lieu, Didier Petit insiste sur le précieux écrin qu’il offre aux artistes. « Les cahiers qu’ils éditent pour les expositions sont souvent un premier catalogue pour de nombreux artistes. C’est très important pour faire circuler leur travail. De la même manière que l’achat d’œuvre contribue à cette circulation. » Achetée 1000 euros pour une pièce unique et 500 pour une reproduction, le geste est symbolique mais précieux dans un milieu où les artistes paient parfois pour être exposés. Le dessinateur au scalpel cite ainsi sans le nommer un centre d’art pour lequel il a dû lui-même payer l’encadrement de ses œuvres.
Didier Petit y a exposé cinq fois et répond présent à toutes les sollicitations, y compris pour venir commenter auprès des élèves des œuvres d’autres artistes, « parce que j’aime ça », dit-il avant de partir dans un récit d’anecdotes filées sur ces petits bonheurs de rencontres autour de l’art. Exactement la mission que remplit l’artothèque. La pétition encore grossie de centaines de signatures doit arriver le 3 octobre sur la boîte mail du directeur de la DRAC et celle de sa ministre de tutelle. Pile le jour du vernissage. Ils y seront sans doute invités.